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mercredi 3 février 2010

LA BLEONE A DIGNE LES BAINS (04)



Bléone grossie du Bès, abreuvée des Eaux Chaudes, rivière qui aurait pu baigner sa ville
comme la Moselle, Epinal.
Or, Bleone court. N'étant qu'un filet l'été, elle court encore et découvre alors
le squelette de son lit qu'il lui faut démesuré pour les jours où elle délire.
Aussi ne fait-elle que passer sous les ponts qui n'ont pas le temps de s'y tremper les pieds car,
sa profondeur est nulle et l'espace qu'elle occupe, plat, gris, sans végétation,
arrachée de plus haut, roulé vers le bas, trop près encore de son lieu d'origine pour être limon.

Tout reste chaos, de l'eau au minéral ; rien ne s'enracine. Bléone court,
chargée du Bès pourtant si alpestre après les clues de Barles.
Bléone court, grossie des Eaux Chaudes, surverse de la source thermale
dont Digne ne parvient pas à s'enrichir.

C'est ici l'univers des Préalpes, le lieu où se sont trouvées repoussées les moraines,
scories des glaciers. Nous sommes en bordure d'une zone balayée,
propre et blanche comme la glace.
Mais nous sommes ce qu'attend de recueillir la pelle alors que de pelle, nenni!
Les crassiers des robines se dissimulent à peine derrière les pins maigrelets
que l'homme tente d'y faire pousser.

Le barrémien est pourtant visité par des cohortes de géologues venus du monde entier.
Les couches de sédiments relevées à l'équerre ou roulées comme une omelette,
en chausson, se dévoilent. Voilà ce qu'a laissé la poussée alpine : des plis,
alors qu'ailleurs il s'agit de cimes.

Frange  d'où s'échappe la Bléone pour connaître la mer.
Frange entre deux pays de l'inaccessible. Glaces et sommets en amont,
miasmes et profondeurs sans nom en aval.
Entre les deux, la Bléone court alors que c'est là qu'elle existe
et qu'elle pourrait prendre le temps d'être. Avant, elle est infime ;
après, elle sera néant puisqu'elle se perd dans une rivière elle-même déjà anéantie,
la Durance agricole, la Durance industrielle.

Comment faire comprendre cela à un cours d'eau qui n'est rien
que ce que veulent qu'il soit
la topologie, la géographie, la terre qui le portent?
Sous les ponts, sur les berges, l'éphémère accélère sa course.
On ne peut prendre le temps de la respiration d'une rivière 
lorsqu'elle court vers son destin sans jamais s'intéresser au nôtre.

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