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lundi 23 avril 2012

Une Patrie ?

J'habitais, de ce temps, un pays ; un pays qui devait avoir des frontières,
un pays qui pouvait avoir une histoire.

De ce temps, je n'habitais pas une planète, non :
j'étais enfermé dans les frontières et l'histoire du pays que j'habitais de ce temps.
De ce temps, les frontières ; de cet autre, l'histoire.
De tous temps, un pays que j'habitais alors
et par mégarde du hasard.

Pourtant,
il fallut bien que je m'y fis ;
ils firent tant que je m'y fixai.

Et les frontières devinrent douane
et, l'histoire, passé.

Donc, j'habitais de ce temps un pays
qui devint : mon pays.

Pourquoi,
puisque tout était fortuit,
voulait-on que j'en fasse ma patrie?


                          ( " Poèmes d'antan" - non daté)

jeudi 19 avril 2012

COMME ETRANGER (version piano solo)


Les photos accompagnant ce morceau ont été prises lors d'un voyage récent dans le Luberon.
Avez-vous d'autres questions, chers visiteurs?

mercredi 18 avril 2012

COMME ETRANGER version instrumentale


Les photos illustrant ce morceau proviennent de clichés que j'ai pris récemment dans les vieilles rues de Grasse, la capitale mondiales des parfums.
Georges Lautier

COMME ETRANGER chanson de Georges Lautiet

Une chanson enregistrée avec les moyens du bord. Mais vous avez les paroles qui défilent pour aider votre audition. Vers la fin de la chanson, vous lirez POINT et vous entendrez pont. Il arrive que lorsqu'on chante on substitue subitement un mot à un autre : on appelle cela une correction en live!
Bonne audition.
Georges Lautier

samedi 14 avril 2012

CONVOQUE PAR LE PROVISEUR (2) suite

Et c'était dans cet antre que je devais pénétrer maintenant.

Je frappais, timidement et comme espérant que le toc-toc de mon doigt soit absorbé par le bois massif de la porte et se perde dans les veines que je distinguais parfaitement sous la cire odorante. Il en fut bien autrement puisque mon appel fut entendu et que je reconnus la voix de M. Aeckert dire : Entrez!

Trois quatorze cent seize courait sur les murs tout autour de la pièce, enjambant le portrait du Président de la République de l'époque. Le quotient célèbre était poussé chaque jour un petit peu plus loin et notre directeur inscrivait ses décimales au mur, impunément. L'atmosphère en était imprégnée et, de ce fait, définie.

Il était clair, à ce que je comprenais du discours de M. Aeckert, que je ne pouvais en rien être considéré comme une décimale de cette suite arithmétique projetée sur les murs. En venant aux parois même de son bureau, le nez levé vers ces emboîtements numériques, il cherchait en vain à quel niveau j'aurais pu trouver place en m'identifiant à quelque chiffre bien venu. J'introduisais le désordre dans cette succession par le choix que j'avais fait de discuter de la raison de cette expression, d'un quotient qui, en lui-même, tel quel, ne posait aucun problème puisque, entité, il devenait un être à part entière. Le seul fait d'en effectuer le calcul, de le réduire au résultat d'une action opératoire et non créatrice déclenchait l'orage en moi et tous les paratonnerres environnants ne pouvaient manquer d'en vibrer. Sous cet orage, le paratonnerre qu'était M. Aeckert par définition se portait bien à décompter les gouttes de pluie. C'est la question causale, celle que posent les êtres à part entière, celle qui demande POURQUOI LES NUAGES? qui devenait insupportable à M. Aeckert, le chef d'établissement d'un établissement qui était établissement et dans lequel les originaux ne pouvaient trouver place. Il existait une définition de cet établissement comme existe la loi d'Assurbanipal sur la pierre de basalte encore au Musée du Louvre : elle excluait que tel type d'études puisse se faire ici puisqu'il devait se faire là-bas. Il était donc impossible que je puisse présenter l'examen de sortie sur d'autres critères que ceux qui fondaient l'établissement que dirigeait M. Aeckert. Sans cela, trois quatorze dent seize risquait le survoltage.

Je laissais le forcené hurler à la trop forte tension et j'entrais dans l'étude autodidactique, de façon oblique.

Notre entrevue électrique n'avait eu d'autre résultat que de me mettre le pied à l'étrier d'une vie intellectuelle adulte et joyeuse que je montais allégrement tout le restant de mon existence.

FIN

CONVOQUE PAR LE PROVISEUR (1)

M. Aeckert, chef de l'établissement où je me trouvais faire mes études, m'avait convoqué à son bureau. Bon élève, j'étais passé inaperçu dans les petites classes et pendant les premières années de ma scolarité.


M. Aeckert ne se préoccupait d'ailleurs pas des cas individuels. L'élève ne l'intéressait pas ; seul son établissement comptait. Les tournées qu'il effectuait dans la cour de récréation après que la sonnerie eut retenti n'avaient pour autre objectif que la bonne marche de l'école et non le rappel à l'ordre qui aurait pu s'adresser à tel ou tel autre élève traînant à entrer en classe ou à rejoindre les rangs ; cela aurait signifié que ce tel ou tel autre élève devenait un individu, trouvait une personnalité à travers la remontrance du directeur. Aussi se dispensait-il de toute remarque individuelle. Il utilisait des fragments de langage très généraux qu'il lançait à l'encan et que des surveillants, gardiens de l'ordre anonyme de la maison, reprenaient en écho.

M. Aeckert était un tout petit homme sec, maigrelet même. Son costume trois pièces de chef d'établissement était irrémédiablement identique de saison en saison, d'année scolaire en année scolaire. D'origine modeste, il n'avait pas de chic ; que de l'énergie, une énergie démesurée comme en ont souvent les hommes de petite taille.

Pas d'élégance donc, mais une allure! Celle de la fourmi zélée voulant à tout prix battre toutes les autres fourmis zélées dans la marche en doubles files se croisant et dirigées, l'une vers l'aubaine du grain qui risque de disparaître d'un instant à l'autre, la deuxième focalisée sur le secret de la réserve qu'il faut se hâter de constituer, l'hiver survenant souvent on ne sait d'où.

Très compétent dans sa discipline, celle qu'il enseignait avant d'être chef d'établissement, il croyait être le seul à pouvoir en parler. Il ne l'exerçait plus directement puisque chargé de tâches administratives il n'avait plus à enseigner, excepté lorsque l'absence d'un professeur de sa spécialité lui donner l'occasion de se remettre au tableau noir.

Cependant, comme d'autres prient afin que leur bateau arrive à bon port, ce capitaine-là résolvait des équations et dessinait d'étranges épures sur ses buvards de rond de cuir : ce n'étaient que comportements magiques tendant à éloigner de son collège les mauvais sorts qui sont jetés quelquefois à de telles institutions par des consommateurs malveillants non satisfaits des résultats de leurs enfants. Dans le secret de son bureau, les tables tournaient.

Et c’était dans cet antre que je devais pénétrer maintenant.

(à suivre)

vendredi 13 avril 2012

QUELLE CHANCE!

Il pleut dehors sur la Haute-Provence. Je ne puis donc achever le rangement de mon bois, là-bas, au fond de mon terrain, où se trame toujours quelque crime animalier. N'est-ce pas là que la chatte grisette qui nous visitait quelquefois a perdu la vie, certainement parce qu'elle a voulu faire face à un blaireau?
Combien de mulots, rats des champs ou gerboises ont échappé aux bonds voraces de vipères à cornes nommées aspics? Quant à la grande couleuvre de Montpellier, sur son enroulement d'anneaux innombrables, a combien de mes enfants a-telle fait dresser les cheveux sur leur tête?
Aussi, même si le ciel est noir, si le brouillard se met à envahir la vallée de la Bléone que je distingue en bas, sous mon habitation, je puis déguster mon bonheur. Figurez-vous que mon anniversaire m'a apporté récemment un cadeau qui a fait zing! En plein dans le mille! Un casque sans fil grâce auquel je peux écouter de la musique sur toute la surface de mon aire, aux fins fonds de mon territoire d'herbes, d'arbres et de vies rampantes, volantes, grimpantes, à genoux et priant lorsqu'il s'agit de mante religieuse.
Eh, bien! J'écris délicieusement ces mots qui me viennent sous les doigts alors que j'écoute ce qui s'évade de ce casque et que le fruit de cette écoute est cet objet texte que je vous adresse. J'écoute quoi? Une merveille! Un trio composé de Isaac Stern, Yo-Yo Ma et Emmanuel AX qui jouent du SHOSTAKOVICH. C'est divin, énorme lors de certains passages comme celui qui s'infiltre en moi par mes oreilles à l'instant même : c'est l'allegro de la sonate pour violoncelle et piano, opus 40!
Vous en avez de la chance d'avoir ça en direct!
Et moi donc! Aussi pour continuer à éprouver de ces extases, j'irai à Aix en Provence comme me demande d'y retourner mon cardiologue qui après un scanner des coronaires, tient à ce que je subisse maintenant une coronoscopie. Une petite caméra va remonter dans mon système sanguin et arriver à la porte de mon coeur. Pour y faire toc toc? Demander de ses nouvelles, se renseigner sur ce qui reste de lui après tant de chimiothérapies?
J'irai, oui j'irai même si ça me coûte : c'est trop beau d'avoir dans ses oreilles Shotakovitch qui rampe hors du violoncelle de Yo-Yo Ma, qui bondit hors du violon de Stern et qui coule sous les doigts d'Emmanuel AX! J'en veux, j'en veux encore!
Georges Lautier

mardi 10 avril 2012

HOMMAGE A GRIMI, une amie québecquoise

Ton mail du 09/04/12 04:56 n'est pas qu'une succession de nombres comme l'est le début de ma réponse à ce bouquet que tu m'envoies par-dessus l'espace atlantique. C'est du sirop d'érable, du miel de fleurs qui ont l'accent du Québec au vent du printemps.


Tes mots dans ce long mail me font un plaisir qui rebondit, rebondit jusqu'à toi que je devine avec Thomas ton petit-fils, si proche de toi, toi qui portes un ravissant chapeau. Mais que tu es douce, sensible, compréhensive, subtile et généreuse! Mes échanges avec toi ces temps-ci enchantent mon quotidien. Je n'ose trop en dire mais ce que tu m'apportes est précieux : à te lire, y compris sur ton blog dont je reviens à l'instant, je rencontre cette intelligence que je cherche quelquefois vainement ici. Il est vrai que la distance idéalise nos échanges. Mais tant mieux! Nous profitons de cette relation épurée, de cette découverte partielle mais qui choisit le meilleur de l'autre.

Et puis nous sommes en combat pour faire grandir l'humanité, vous, aussi bien que nous. Vous lisez "La Presse" ; nous, nous sommes toujours pendus aux ondes de France Inter ou aux images de certaines chaînes de télé où l'on débat à longueur d'images. D'autant plus que dans quelques jours nous votons pour élire un Président de la République. Je ne te dis pas le remue-ménage en ce moment en France. Nous en avons assez bien sûr de ceux qui poussent la spéculation jusqu'à mettre à terre un peuple comme le sont les Grecs, les Espagnols, les Portugais et bientôt la France. Je constate que nous nous rejoignons sur ce point. Merci.

Grimimi, Grimi ou Grim (mais ce dernier je le laisse à ton petit-fils : il en a l'exclusivité!) j'ai trouvé un clone en toi. Un clone si doux et si identique à ma sensibilité que je me retrouve en espérance, en devoir de vivre encore et encore jusqu'à plus soif tant je vois et vis des choses qui m'émerveillent.

Tiens, hier soir nous avons visionné le DVD du film INTOUCHABLES que Josiane avait acheté en faisant ses courses au supermarché. Tu connais? Un film dans lequel l'humanité expose tous les bons côtés dont elle est capable. Les larmes aux yeux montent en découvrant ce réconfort qu'apporte un grand noir des banlieues à ce richissime tétraplégique dont il est l'aide de vie. L'acteur Omar Sy qui joue ce rôle de l'aide de vie a obtenu le César du meilleur acteur cette année.

Je partage avec toi mon émoi, Grimi. Je vous embrasse tous, cette famille du Québec si proche en fin de compte.

Georges

jeudi 5 avril 2012

PRAXIS et POIESIS

Ce qui nous distingue, Albert et moi, c'est que l'un est du côté de la Praxis (action) et l'autre du côté de la Poiesis (la fabrication). Je réalise une œuvre, qu'elle soit d'écriture, de composition musicale, graphique ou technique. Il discourt, s'engage dans des groupes contestataires où la parole est reine, tout en ne laissant aucune trace. Je laisse des traces qui ne me satisfont guère alors que de son côté il ne parvient qu'à la désillusion car il ne peut ni convaincre ni gagner dans les joutes oratoires. Y parviendrait-il qu'il en serait bien malheureux car, il ne vit que d'opposition alors que je ne cesse de poursuivre la forme idéale. Inlassablement tous deux nous remettons en cause notre être, lui dans le combat stérile, moi dans la réussite toujours échappée, toujours fuyante.


Il faut dire que la Poiesis (la fabrication) est aussi un domaine dans lequel Albert peut également œuvrer. Il a fait des travaux titanesques pour sa maison de campagne. Il cultive un jardin, évidemment bio. De ce fait, la distinction entre nous deux s'estompe. Si j'ai pu nous opposer dans le début de cette réflexion, c'est que dans les discussions que nous avons il apparaît comme militant et moi désengagé des problèmes politiques et écologiques qui nous assaillent. Sa préoccupation est l'activisme politique, le radicalisme de gauche, alors que je choisirais plutôt une attitude de consensus.

Ce qui prime pour lui c'est donc ce que l'on appelle l'action et pour moi ce que l'on appelle l'œuvre. Accessoirement il peut tomber dans la Poiesis et moi dans la Praxis. Mais nos deux vies s'orientent en fin de compte très différemment.

Il n'empêche que nous avons tous les deux grand besoin de l'autre : lui pour tenter de rallier à sa cause le citoyen, moi pour tenter d'intéresser l'esthète, qu'il soit ou non citoyen. Et comme nous ne réussissons ni l'un ni l'autre à satisfaire nos objectifs, nous souffrons de ne pas être entendus, reconnus si ce n'est appréciés.



NOTA : Malheureusement, Albert est décédé depuis que j'ai écrit ce texte. J'avais attiré son attention quelques temps avant sa mort sur les aléas de la vie, les dangers qui peuvent nous atteindre subitement à n'importe quel moment. Cela pour relativiser l'importance de nos engagements à tous les deux.

Je suis encore atterré par sa mort subite. La mise en garde que je lui adressai vaut d'autant plus pour moi aujourd'hui.