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jeudi 5 avril 2012

PRAXIS et POIESIS

Ce qui nous distingue, Albert et moi, c'est que l'un est du côté de la Praxis (action) et l'autre du côté de la Poiesis (la fabrication). Je réalise une œuvre, qu'elle soit d'écriture, de composition musicale, graphique ou technique. Il discourt, s'engage dans des groupes contestataires où la parole est reine, tout en ne laissant aucune trace. Je laisse des traces qui ne me satisfont guère alors que de son côté il ne parvient qu'à la désillusion car il ne peut ni convaincre ni gagner dans les joutes oratoires. Y parviendrait-il qu'il en serait bien malheureux car, il ne vit que d'opposition alors que je ne cesse de poursuivre la forme idéale. Inlassablement tous deux nous remettons en cause notre être, lui dans le combat stérile, moi dans la réussite toujours échappée, toujours fuyante.


Il faut dire que la Poiesis (la fabrication) est aussi un domaine dans lequel Albert peut également œuvrer. Il a fait des travaux titanesques pour sa maison de campagne. Il cultive un jardin, évidemment bio. De ce fait, la distinction entre nous deux s'estompe. Si j'ai pu nous opposer dans le début de cette réflexion, c'est que dans les discussions que nous avons il apparaît comme militant et moi désengagé des problèmes politiques et écologiques qui nous assaillent. Sa préoccupation est l'activisme politique, le radicalisme de gauche, alors que je choisirais plutôt une attitude de consensus.

Ce qui prime pour lui c'est donc ce que l'on appelle l'action et pour moi ce que l'on appelle l'œuvre. Accessoirement il peut tomber dans la Poiesis et moi dans la Praxis. Mais nos deux vies s'orientent en fin de compte très différemment.

Il n'empêche que nous avons tous les deux grand besoin de l'autre : lui pour tenter de rallier à sa cause le citoyen, moi pour tenter d'intéresser l'esthète, qu'il soit ou non citoyen. Et comme nous ne réussissons ni l'un ni l'autre à satisfaire nos objectifs, nous souffrons de ne pas être entendus, reconnus si ce n'est appréciés.



NOTA : Malheureusement, Albert est décédé depuis que j'ai écrit ce texte. J'avais attiré son attention quelques temps avant sa mort sur les aléas de la vie, les dangers qui peuvent nous atteindre subitement à n'importe quel moment. Cela pour relativiser l'importance de nos engagements à tous les deux.

Je suis encore atterré par sa mort subite. La mise en garde que je lui adressai vaut d'autant plus pour moi aujourd'hui.

1 commentaire:

  1. Je t'offre toute ma sympathie dans ce moment difficile.

    Albert était ton ami et le choc de sa mort subite te remet en question.
    Est-il mieux de connaître le temps qu'il nous reste ou au contraire vivre sans penser à rien ?

    Bisous tout doux en cette période triste.
    Sue

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