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mardi 7 septembre 2010

La St Jean

Nous avions prévu de rentrer de Corse après la fête de la St Jean. St Jean le Baptiste, celui que l'on figure avec sa crosse et son agneau. Il est le saint patron de Valle d'Alésani. Le 29 août, on le sort de sa petite chapelle et on lui fait faire le tour du village, en tirant quelques coup de feu en l'air quelquefois et en disant quelques prières.
Bien sûr, je me mêle aux personnes (de moins en moins nombreuses chaque année) qui participent à la cérémonie. Présent au village, je m'intègre même si je garde mon indépendance d'esprit. Là-bas, je fais partie d'une communauté qui a ses rites et je les respecte, les rites, mais principalement les gens qui les pratiquent.
C'est pour cela qu'après la partie religieuse de la fête, je participe ensuite à la partie sociale et tout autant rituelle qui consiste à se rendre dans les familles qui accueillent les cousins, les amis qui viennent des villages environnants pour rencontrer les autochtones.
Cette année, deux familles recevaient chez elles. L'une était constituée par des Corses souvent nés en Corse mais ayant fait leur vie sur le continent. On trouvait là essentiellement des descendants d'un même couple ayant eu une descendance nombreuse. Ils vivaient déjà au XIX° siècle dans la maison dont mon épouse a hérité, la maison familiale. Certains sont enseignants, médecins, notables en fait. Leur existence s'est souvent déroulée au service de l'Etat français.
La compagnie s'en mettait jusque là de mets délicats qu'elle accompagnait de champagne pendant que des questions sur la progéniture de l'un et de l'autre des oncles faisaient le fond de la conversartion. On prenait des nouvelles de la famille. On était replié sur ce concept. Nulle autre personne ne participait aux ripailles et aux conversations "mondaines" dans cette grande maison neuve.
Le climat me pesait, les propos me faisaient quelquefois m'étouffer. J'avais hâte d'aller rejoindre l'autre famille qui dans le village respectait cette traditon de l'accueil, mais en l'ouvrant à quiconque passait par là. C'était une famille de bergers dans laquelle tous les membres étaient nés sur l'île et y peinaient chaque jour pour assurer sa subsistance. Je savais que des chanteurs y étaient invités et je voulais me mêler à eux le plus vite possible.
A la première occasion (un cousin qui prétextait une longue route à faire pour quitter la réunion de famille) je quittais la cérémonie guindée dans laquelle plastronner était le premier souci. Et j'arrivai chez mon copain César, car c'était sa famille qui avait table ouverte pour ceux qui passaient par là.
Tous étaient dans le jardin, autour de tables garnies et de verres remplis. Epaule contre épaule, serrés sur des bancs sans savoir qui était à vos côtés. J'ai appris plus tard qui était celle avec qui j'ai parlé surtout. Des chanteurs, il y en avait dans tous les coins. Ces gars ne peuvent pas chanter s'ils ne sont pas en confiance, au contact charnel de leurs amis au milieu desquels ils s'expriment. L'inspiration au bout d'un moment est très forte, l'envie de se faire entendre provient d'un désir profond de se fondre, avec les amis et la montagne derrière. J'ai pensé qu'il y avait comme une force tellurique qui faisait s'exprimer ces gars, des jeunes et des vieux qui se trouvent en empathie avec la nuit, la chaleur humaine dans laquelle ils baignent, le terroir qui les porte. J'étais enfin ce soir-là dans un lieu qui me ressemble. L'authenticité des propos, des rires, des encouragements à tel et tel autre des chanteurs avait quelque chose de poignant. Chaque chant est une improvisation, une incantation à la nature, un cri spontané manifestant sa joie et son émotion de se trouver ainsi au centre du monde. Ce groupuscule soudé autour de la voix montant dans la nuit m'a réconcilié avec l'humanité. Sans rire, oui, sans rire et sans emphase.
Que l'homme est beau, bon et brave lorsqu'il chante ce qu'il aime!

8 commentaires:

  1. On a envie d'y être, d'en être. Ici, à Montréal, où la Saint-Jean est pourtant la fête nationale des Québécois, il n'y a plus de rituel, pas de truc aussi sympa, à moins d'avoir un groupe d'amis se donnant la peine, le plaisir d'organiser. En lieu et place, il y a de grands spectacles sur de grandes scènes, dans les parcs, rassemblant des milliers de gens qui sont fiers d'être Québécois pour un jour. Quand j'étais petite, il y avait la parade, avec Jean le Baptiste et son mouton. J'y étais (petite, mais tout de même) le jour ou de Gaulle a lancé le fameux et très provocateur 'Vive le Québec libre!'. Après la parade, les familles et les amis se rassemblaient pour un long souper jusqu'au moment où les feux d'artifice éclataient, clotûrant cette journée spéciale. Lors de mon adolescence, tout se passait sur le Mont-Royal, au centre ou presque de Montréal, époque très nationaliste ici.. Ça a duré quelques années... et puis maintenant, on nous sert de la musique en conserve... Bon, je dois vieillir moi...;-)))

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  2. D'en être, n'est-ce pas? J'ai vibré en te lisant. J'avais entendu à la radio de Gaulle lancé sa provocation et je suis comme toi déçu de ces périodes révolutionnaires qui ne sont que feux de paille. Je dis souvent que je n'ai vécu que trois mois dans ma vie ; mai, juillet et août 1968. Mais non, nous ne vieillissons pas : nous sommes devenus lucides enfin!
    Ah! pour la musique en conserve, excuse-moi car je vous en sert pas mal dans ce blog. Mais si tu veux nous pouvons discuter du plaisir d'enregistrer en studio.
    A te lire encore.

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  3. J'étais malheureusement (où heureusement, ça me donne du temps de plus!!)trop jeune pour comprendre 68...
    Pour moi, l'éveil politique est venu avec René Levesque et le Parti Québécois (fondé en 68!), portés au pouvoir en 1976... J'avais 17 ans et entrais au collège. Ça a amené une prise de conscience sur la situation unique et précaire du Québec, seul endroit francophone en Amérique, ou presque, crise identitaire et tout le tralala... Ce n'est pas tout à fait mort, et je me trouve surprise parfois des positions tranchées de certains jeunes, qui, 40 ans plus tard, ont toujours ce rêve de pays en tête...
    Musique en conserve..;-)) Je réfère à la musique pop qui s'entend en boucle à la radio, musique aseptisée, sans personnalité... Rien à voir avec ce que tu fais ici..;-)

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  4. J'aime apprendre ce qui vous agite au Québec. Bien sûr nous avions entendu parler de ce Levesque. Tant mieux si 40 ans plus tard certains jeunes rêvent encore d'un pays à eux. Je suis restais moi-même foncièrement révolté. Et il y a de quoi faire en ce moment chez nous avec notre président!
    D'accord pour la musique : pas de musique aseptisée. Tu ajoutes :"Rien à voir avec ce que tu fais ici" Comment tu le prends ce que je fais ici justement?

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  5. Quelle question difficile... Je n'ai aucune connaissance musicale et pas d'oreille pour deuzx sous...LOLOL!!!
    Mais je vais au feeling et j'aime bien ce que j'entend ici... autrement je n'y serais pas...;-)

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  6. Tun es d'une logique implacable! Merci d'être là, c'est ce qui compte. Un blog sans écho, c'est une bouteille à la mer qui prend l'eau et qui finit par couler avec son "capitaine".
    Reste donc.

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  7. bien je reviens dés demain la trop àlire ce soir

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  8. Tu tiens promesse, Sandra : tu reviens. Mais ne te couche pas trop tard quand même. Si tu promènes sur les bogs et que tu y lis des textes aussi longs que certains des miens, je te plains beaucoup! Excuse-moi, c''est vrai que je m'étale un peu top. Ma "machine à écrire" s'emballe et j'en dis, j'en dis ... à m'effrayer moi-même!

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