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samedi 4 septembre 2010

Alésani et Giovannalli

Pourtant, la vallée où je passe régulièrement l'été, la vallée de l'Alésani a été une vallée florissante. Notamment à partir du moment où les Génois, maîtres de l'île, ont ordonné aux Corses d'une région que l'on appelle depuis la Castagniccia de planter cinq châtaigniers par chef de famille. De pastorale, la civilisation est devenu agricole. La Vallée de l'Alésani est l'une des composantes de la Castagniccia.
Aujourd'hui, ces châtaigniers que l'on commença à planter sur injonction des colonisateurs sont en train de dépérir. Ils souffrent de nombreux maux et, en particulier, de l'abandon. Plus assez de bras les greffent, plus assez de propriétaire les entretiennent. Le maquis reprend peu à peu le dessus et la végétation redevient celle d'avant les châtaigniers. De vieilles carcasses de ces arbres se dressent encore au milieu de la luxuriance revenue en dressant leurs bras morts vers le ciel.

Bien avant cet avatar, la vallée de l'Alésani était devenue, aux alentours de 1350, le refuge d'un groupuscule composé d'hérétiques que l'on a nommé les Giovannali. Ces Giovanalli vivaient en communauté, étaient chrétiens et appliquaient à la lettre les directives de St François qui prônait un retour à la pauvreté. Le film LE NOM DE LA ROSE (tiré du roman de Umberto ECO) a montré, en les caricaturant, des individus appartenant à cette "secte". Pourchassés depuis le sud de la Corse par les armées du Pape qui tenaient à éradiquer ce courant de pensée dangereux pour son autorité, les Giovannalli vinrent trouver refuge dans la vallée de l'Alésani. On montre encore aux touristes telle et telle autre maison comme ayant été des tours d'observation, d'habitation et de défense à l'intérieur desquelles on résistait au pouvoir papal.. Si je vous parle de cela, c'est que derrière la maison où je loge, se dresse une immense batisse en grande partie abandonnée dans laquelle l'organisation des pièces fait penser à un phalanstère. Or les Giovannalli vivaient en coopérative, vivaient une forme de socialisme avant la lettre.
J'avais demandé à ma belle-mère née au village d'une famille de tout temps installée dans l'Alésani qui avait pu construire une telle imposante demeure collective  qui aujourd'hui est propriété d'une myriade de propriétaires qui délaissent ce bien dans l'indivision. "On dit" m'avait-elle répondu "que c'étaient des moines". Ces moines n'auraient-ils pas été les Giovannalli?
Certains soirs d'été, jetant les yeux sur ces murs d'une rectitude absolue, je crois voir des ombres se faufiler, aller à la prière ou se rendre à quelque rassemblement d'ordre sexuel, les Giovannalli mettant tout en commun, y compris la sexualité.
La photo jointe que j'ai prise depuis notre terrasse sur le derrière de notre maison est celle de cette grande batisse que l'on appelle "casone" mais que Charles Fourier aurait pu appeler "phalanstère".

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