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vendredi 6 janvier 2012

"LES ENFANTINES" en BLOG (6)

Aujourd'hui, suite et fin de COCO VOLE (2)

Or, l'été, c'était aussi la saison des rideaux de canne que les commerçants suspendent à l'entrée de leur magasin dont la porte reste ouverte. De cette canne, nous faisions, nous, des sarbacanes ; au grand courroux des commerçants d'ailleurs et surtout des bouchers, car ce sont ceux qui se mettent le plus fort en colère !


Pour ces sarbacanes, il nous fallait des projectiles. Or, ce cochon de perroquet était nourri grassement de belles et dures graines rondes d'un diamètre ajusté à celui de nos engins de mort. A chacun de nos passages, il se voyait donc délesté de plusieurs bonnes poignées de manne. Non sans protester, l'irascible ! Il jurait, tempêtait comme un capitaine au long cours qui revient des mers de Chine et qui trouve dans son lit son meilleur ami. De son bec dont il pinçait les tiges de fer de la grille, il se déplaçait à faibles enjambées mais d'une force herculéenne. On craignait toujours qu'il scie un barreau, qu'il se libère et qu'il nous tombe sur le dos tel un aigle vengeur. Mais il devait être plus fort en gueule qu'en bec car, il hésita toujours à se donner la liberté de passer des mots aux actes. Il se contentait de rager et de crier à tue-tête :

- Coco ! Coco volé ! Au secours ! Au secours, Coco !

Nous lui rendions coup pour coup et nos insultes valaient bien les siennes. Nous le traitions bien sûr de toutes sortes de noms d'oiseaux ; depuis "bec de lièvre" à "canari persan", jusqu'à "sauterelle à roulettes" (à cause de la couleur, bien sûr). Ces échanges verbaux se pouvaient aisément puisque la patronne de notre sympathique volatile, bavarde intarissable ¬- d'où le vocabulaire du protégé- s'éternisait en commissions oiseuses. Le papa du bébé jaune et bleu, pour son compte, naviguait, non pas en Chine, mais entre Marseille et Bastia sans qu'on sache exactement auquel des deux ports il était le plus attaché.

Ah! les belles tirades que l'on se payait ! Comme il était doux de dégoiser tout à loisir, et sur la marine marchande et les naufrages, et sur les pipelettes et leurs beaux enfants emplumés !

Longtemps dans notre ascension nous poursuivaient les réponses à nos tracasseries ; c'était comme le bruit de fond que fait le torrent sous les pieds de l'alpiniste. Cependant, le perroquet pervers ne se contentait pas d'invectiver son monde et de tancer ses voleurs : il se plaignait à sa patronne. Et Coco par-ci ! et Coco par là ! et Coco malheureux et Coco volé !

La boudinesque femme de navigateur, aussi revêche qu'elle était bavarde, conseillait alors son oiseau. Dans quel sens ? certainement pas dans celui de la conciliation.

Un beau jour, le perroquet finit par s'enhardir. Il prit les conseils de la matrone à la lettre et sitôt la main d'un garnement passée à travers la grille pour plonger dans son écuelle, il se jeta à l'assaut en piétinant l'intrus prolongement. C'était BORRELY l'attaqué, un dégourdi qui savait pêcher les poulpes et leur retourner la calotte en deux temps trois mouvements ; mais le pauvre oiseau l'ignorait.

Bientôt, il fut à demi déshabillé et tant de plumes volaient à travers les grilles jusque sur le mitan du trottoir que ceux qui ne participaient pas à l'ascension, du bas de la vallée, en levant les yeux vers les cimes, criaient :

- Un condor ! un condor !

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