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jeudi 24 janvier 2013

Chatte sur un mur brûlant

Dans le précédent message, le texte accompagnant les photos des chatons était illisible. En voici une nouvelle mouture.


Chatte sur un mur brûlant
jeudi 24 janvier 2013
06:59

J'ai vécu quinze jours, en juillet 2010 en Corse, voisin d'une chatte sauvage qui avait mis bas dans la maison jouxtant la nôtre. Dans cette maison écroulée depuis des décennies et jamais reconstruite, la bête avait pensé avoir trouvé un refuge sûr pour ses chatons. Loin de la gent humaine dont elle se tenait à distance, sauvage comme elle l'était et, de plus, réfractaire à toute domestication.
Lorsqu'en bébés curieux les chatons montrèrent enfin le bout de leur nez rose, ils firent des apparitions fugaces et craintives. Très vite pourtant ils s'enhardirent toujours un peu plus loin de leur couche natale située sous un grand mur. La mère se mit à les gronder d'un grognement profond et terrifiant dont on n'aurait jamais cru capable cette petite femelle efflanquée.

Lorsqu'elle s'approchait de chez nous, elle s'étonnait d'abord de voir du monde dans cette maison voisine de la sienne. Cette maison n'était-elle pas fermée habituellement? Ah mince! Voilà que sa cache devenait repérable! Son choix pour accoucher n'avait pas été parfait. Elle avait failli! Elle en adressait d'autant plus de remontrances à ses chatons qu'ils n'étaient pour rien dans ce choix. Cherchant plus loin encore un autre bouc émissaire, elle me rendait responsable du dérangement qu'elle subissait. Elle eût désiré sans doute que je déménage, m'éloigne de ces lieux qui étaient siens depuis qu'elle y avait eu ses petits. Je sentis que j'étais un intrus, moi, les miens, tous les membres de la famille qui avions pignon sur rue ici depuis que les ancêtres de mon épouse avaient fait construire cette maison en 1751.

Remontant la rue en escaliers qui la conduisait jusqu'à son antre, m'apercevant sur la petite terrasse si fraîche l'après-midi cet été-là, elle s'immobilisait, prête à fondre sur l'impudent toutes griffes dehors. Son grondement devenait féroce alors qu'il pouvait prendre des accents attendris, raisonneurs, lorsqu'elle l'adressait à sa progéniture. Ses yeux, ses yeux surtout, comme des boules de feu prêtes à jaillir de ses orbites, se rivaient aux miens et, impérieusement, m'adjoignaient de la respecter.

C'était pourtant ce que je faisais! Hélas, j'avais cru bon, à la voir flancs creusés, mamelles gonflées, regard enfiévré, d'accompagner la faible ration de lait maternel qui devait devenir chaque jour plus réduite, de croquettes pour chatons nouveau-nés. Geste condamnable, geste colonisateur, geste insupportable par la fière mère qui tenait à élever seule ses enfants, loin des compromissions culturelles et esclavagistes de l'Homme.

Elle déménagea sa petite famille pendant toute une nuit durant en évitant chiens, renards, couleuvres, humains attardés: six mignons chatons, tous différents. Je compris alors que cette chatte, ardente et passionnée, avait dû connaître plusieurs partenaires lors de l'ovulation qui prépara la naissance de mes petits voisins. D'ailleurs, je connaissais dans le quartier des papas balafrés de ces si charmants chatons que je saluais respectueusement depuis que je savais quel courage il leur avait fallu pour monter une telle femelle.
Je me suis demandé longtemps après s'il ne fallait pas utiliser cet exemple pour expliquer le comportement sexuel d'autres mammifères, en l'occurrence ceux constituant l'espèce humaine. Cette espèce se divise pour l'instant en hommes et en femmes. On sait que l'homme est souvent accusé par la femme de lui faire l'amour sans trop prendre garde à ce qu'elle attend d'un rapport sexuel qui reste malgré tout une relation amoureuse. L'homme n'aurait pour objectif que l'éjaculation libératrice de tensions très masculines alors que la femme souhaiterait que le coït se prolonge, dure, s'étale pour qu'elle puisse prendre tout son plaisir dans un orgasme qui se prolonge. Il est curieux aussi de noter que d'un côté l'homme soit généreux de par le nombre de spermatozoïdes qu'il libère alors que la femme est économe de ses ovules dont elle n'a qu'un stock limité.

Ainsi, même si dans des situations de pluralité sexuelle une femme se donnait à plusieurs partenaires au moment où elle traverse une ovulation, il n'y a que peu de chances de la voir mettre au monde neuf mois plus tard un enfant rouge, un enfant jaune et un enfant noir. Il serait vain pour cette femme de tenter de concurrencer ma petite voisine, la chatte sauvage sur un mur brûlant.

Toutefois, cette histoire et la réflexion que j'en ai tirée, me conduisent à relever que dans le comportement sexuel, la femme et l'homme sont dotés de possibilités archaïques opposées qui remontent à leurs ancêtres très lointains. Archaïques parce que ces possibilités ne correspondent plus aux mammifères humains que nous sommes devenus. Le mâle parmi d'autres mâles se devait d'être rapide alors que la femelle face à la pluralité des mâles prenait son temps pour les accueillir. Cette opposition entre les "styles" sexuels masculin et féminin n'est plus de mise aujourd'hui. Et c'est peut-être ce qui explique les tensions que l'on constate entre hommes/femmes.
A moins que l'Evolution travaille déjà à harmoniser le comportement sexuel masculin sur celui de la femme. Auquel cas, on pourrait mieux comprendre pourquoi le poète Louis Aragon  a pu dire que la Femme était l'avenir de l'Homme.

 Georges Lautier

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