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mardi 26 février 2013

Lettre à Agathe


Cet été-là, en juillet/août 2008, je n’étais pas parti en vacances en Corse avec ma famille. Je devais monter la garde chez nous pendant que d’énormes travaux étaient effectués pour renforcer les fondations de notre maison.
Un soir de blues, j’écrivis à ma petite fille Agathe, partie en Corse avec toute la smala dans la maison familiale de sa grand-mère.

« Chère Agathe,
Sache que chaque fois que je passe près de la cabane, je repense à toi qui as si bien agencé ce coin charmant. Il faudra repasser l’inscription que tu as tracée au pyrograveur afin que l’on ne puisse douter en aucune façon que ce refuge appartient à deux p’tits renardeaux, ton cousin Nicolas et toi.
Avec Mamie, chaque fois que nous nous y trouvons, nous évoquons vos jeux en ce lieu. Nous le voudrions agréable et beau, fait de nos mains, comme l’est la cabane, elle-même fruit de nos efforts. Nous imaginons l’enrichir d’une barrière, d’un abricotier que nous planterions pas loin. Des iris, je vais en mettre en place ces jours-ci. Mais quelques touffes de lavande conviendraient parfaitement aussi.
J’ai presque terminé d’aménager le petit coin sous le chêne où nous avions pris le repas de midi avec toi, Nicolas, Mamie et moi, ce jour de printemps où il faisait si beau ! Tu te souviens ? J’ai fait en sorte que le sol soit bien plat, puis je l’ai recouvert de cailloux afin que nos pieds ne soient ni dans la poussière, ni dans la boue. Ces cailloux assureront un bon drainage. Où les ai-je trouvés ? Tout autour de la cabane d’abord ; ce qui ajoute de la propreté que je n’ai pas manqué de réaliser, notamment en coupant ces grandes herbes folles dont vous décriez l’inélégance avec juste raison. Puis, manquant de pierres, je suis allé en quérir sur un tas où j’accumule celles que je ramasse un peu partout dans le terrain ou lorsque je tamise du compost. Et bien qu’elle ne fut pas ma surprise hier, lorsque je chargeais ma brouette de ces pierres ? Au milieu de ces éclats de minéral j’ai trouvé une trace de vie : un fossile d’huître qui date de l’époque secondaire, lorsque la mer recouvrait notre région, bien avant l’apparition des Alpes. La coquille n’est pas complète, la partie supérieure a disparu. Mais la concavité dans laquelle vivait l’animal est conservée. C’est la deuxième que je trouve dans le terrain de Dieye. Le volume de cet objet –(oui, l’animal n’est plus aujourd’hui qu’un objet !)- est magnifiquement dessiné, avec beaucoup d’équilibre et de pureté. Très compact, très classique, avec des stries et des reliefs harmonieux. Lorsqu’on le soupèse, il pèse légèrement plus qu’un œuf. Il épouse le creux de la paume de la main comme s’il se lovait dans cette niche afin que l’homme le protège encore et lui manifeste son respect d’avoir su venir de si loin depuis tant de temps.

J’ai connu aussi hier un autre émerveillement. J’allais vers le fond du terrain, là où j’ai mon composte. J’avais dû débarrasser les petites caves de tous les outils de jardin, brouettes et autres ustensiles de manière à les soustraire à la fureur de la poussière que déclenchent les foreuses des ouvriers. J’avais retourné la charrette verte en plastique pour éviter qu’elle ne s’emplisse d’eau en cas de pluie. Malgré tout, lors du dernier orage, de l’eau était restée dans une partie creuse de l’engin. Et devine qui était venu y boire ? Une jeune merlette, depuis peu sortie du nid et pas tout à fait autonome encore. Je l’ai effrayée en m’approchant. Elle s’est refugiée dans l’ombre et le treillis de la haie.
Tiens ! me dis-je. Une assoiffée ! Je vaquais à mes affaires.
Cependant, cette rencontre me fit réfléchir : à part les jours d’orage, où les merlettes vont-elles satisfaire leurs besoins d’eau ? J’ai donc imaginé d’en donner plus à l’animal que ces quelques gouttelettes restées prisonnières d’un recoin de la structure de la charrette verte.
Des dessous de pots traînaient par là, à découvert, loin de la haie protectrice. Ils contenaient de l’eau en plus grande quantité. Je les ai rapprochés de la haie et, lors d’un nouveau passage, j’ai surpris ma merlette s’y baigner, sans s’effaroucher du tout, restant même en place comme si elle m’invitait à la rejoindre.

J’ai repensé à vous, à toi, à Nicolas, vous que cette année je ne verrai pas grandir pendant tous ces jours de grandes vacances. Mais me voici rempli d’amour pour vous grâce à cette merlette. Demain je vais garnir d’eau fraîche et renouvelée ces dessous de pots comme je t’écris aujourd’hui pour que ne se scinde pas la chaîne qui nous lie.

Ton Papi qui embrasse sa grande Agathe chérie,



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