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vendredi 7 mai 2010

Bientôt sur les plages corses (Calvi, Algajola, etc)

Les situations absurdes se traversent stoïquement. Et même si le tonnerre gronde, la mer effacera toujours les traces des jours sans issue. Les périodes d'une vie se succèdent et déferlent. On croit qu'aujourd'hui adviendra le pire, l'anéantissement. Et c'est demain qu'apparaît la raison d'une nouvelle douleur.
Libre d'aller, libre de s'enraciner, libre de renoncer ou de renouer, libre de se libérer, il n'est qu'une qualité que l'on cherche à posséder, puisqu'elle les révèle toutes et que scintillenent en elle toutes les lueurs. Liberté que l'on prétexte, liberté que l'on recherche, il faut déjà admettre sa perte dans l'acceptation stoïque des situations absurdes.
L'enfermement du malade, l'emprisonnement du délinquant, l'isolement du contagieux ne sont rien par comparaison à ce que l'on peut connaître en liberté sur des plages, sans oeuvre à accomplir, sans tâche à mener à bien. Un camping désert à l'heure du bain, même si deux enfants empruntent son chemin d'accès à la mer sur leur vélo, est stagnant, sans couleur, ni appât. Il est l'une de  ces situations absurdes dans lesquelles la dose de stoïcisme doit être doublée.

Un voie pourtant longe la vicissitude du temps qui, malgré tout, s'écoule. A petit écartement, mais quand même. Des grappes de sacs à dos après que la micheline tousse pour alerter les Indiens qui resteront l'oreille collée aux rails pour l'entendre arriver. Une voie qui penche dans les courbes et conduit au même vide que celui que creusent, stoïques encore, les talons impatients du bronzeur de plage. Il y a du parasol à l'air et des fesses qui se lissent sous la spatule solaire. Un rien d'ambre flotte au ressac de la brise et la méduse reste ce qui anime  le plus les conversations.
Une délicieuse torpeur gagne le corps qui se confie à l'astre diurne. Au sortir de l'eau bâillante et des fonds animés d'un souffle régulier qui les maintient en vie, on peut, mesurant le temps qu'on lui consacre, se laisser aller à ce jeu que l'on arrête lorsque se signalent les limites à ne pas dépasser. L'endormissement est à fuir. Seule la délicieuse torpeur régénère par un vide chaud, cotonneux, salé. Du silence pénètre la vie qui se réserve en attendant. Elle prend place dans l'être et se laisse éprouver comme une douceur fondante à laquelle rien n'est dû, rien n'est à rendre. On l'entend monter et étourdir le corps qu'elle envahit, submerge. C'est là que réside le risque d'envoûtement, l'abandon.
La liberté s'insurge et la douceur de vivre redevient calvaire. On a renoué au lieu de renoncer. C'est à cet instant que l'on entend aux abords de son campement un enfant chargé de son matériel balnéaire demander à son père : On est obligé, papa, d'aller tous les jours à la plage?

Ailleurs, tout ce que l'on a figé s'étiole en notre abscence dorée. Des machines, à distance, accomplissent les fonctions répétitives, emprisonnées qu'elles sont elles aussi dans des programmes que l'on a conçus pour leur ronronnement. Nos oeuvres attendent d'être mises au monde et naviguent entre deux continents, notre espoir en elles et le dédain qu'elles suscitent. Le temps du voyage se réduit, n'est plus qu'un murmure. Mais demeure le temps passé dans l'ailleurs que ce murmure occasionne, un temps grandit d'autant qu'il dure comme un discours totalitaire. Heureusement des trains circulent : ceux empruntant la voie à petit écartement et celui des poubelles du camp qu'a happées un tracteur s'époumonnant
C'est l'ère des rencontres muettes d'européens se souriant ; seulement car, il est impossible à un slovène campeur de se faire comprendre d'un allemand en camping. Les rares français occupant cette île conquise font figure de colons sans scrupule. Ils sont méprisés.
Si l'Europe est à construire, la Corse est imprenable.

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