La fin de l'été raccourcissant les jours nous apportait l'une de ce distractions cycliques qui jalonnent une année de jeux.
L'ombre qui tombait plus vite chaque soir nous incitait à profiter de l'équivoque qu'elle introduisait. Comme par ailleurs les feuilles des platanes fatiguées d'avoir résisté à tout un été de chaleur commençaient à lâcher leur appui sur les branches, il nous fallait conjuguer les deux phénomènes, pénombre et feuilles tombantes, dans un nouveau tour inspiré des Pieds Nickelés, héros qui, à l'époque, atteignaient leur apogée de gloire.
A l'avant du magasin des TUDOR, électriciens radio, s'avançaient , à trois mètres au moins du sol et par-dessus une enseigne branlante, deux barres de fer qui avaient dû servir de support à une toile de tente faite jadis pour atténuer les ardeurs du soleil. Les barres s'allongeaient bien jusqu'à deux, trois mètres au-dessus du trottoir. Elles étaient des perches de choix pour attraper les nigauds.
Il suffisait de passer un fil à coudre noir à cheval sur l'une des deux barres, d'y accrocher par la queue une belle feuille de platane et, sans se montrer, de tirer sur le fil au passage de tout individu normalement constitué en apparence. Le jeu était un test de personnalité. Toute l'équipe assise sur le banc situé dans le prolongement des barres tournait le dos à la scène. Mais en réalité nous n'en perdions pas une. La feuille, descendue à hauteur de nez d'homme, balançait de droite et de gauche.
Le passant isolé de cette heure tardive la regardait et, croyant à une chute normale, battait l'air de son bras pour évacuer cet iceberg végétal qui naviguait dans ses eaux. C'est alors que subitement la feuille se mettait à remonter dans un sursaut d'énergie et comme pour se raccrocher à son aire de lancement. Les trois-quarts du temps notre passant écarquillait les yeux comme à un miracle, rasait le mur en s'éloignant à pas accélérés, sans plus tourner la tête de peur de rompre un ordre sodomico-gomorien.
Nous pointions alors sur un carnet : "une de plus !" Un de plus dans la catégorie des normaux, c'est-à-dire des superstitieux, des croyants, des mystiques, des pétochards et peut-être bien déjà des miliciens car on parlait depuis peu d'organisations patriotiques.
..... (à suivre).....
dimanche 8 janvier 2012
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