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jeudi 5 janvier 2012

"LES ENFANTINES" en BLOG (5)

Aujourd'hui débute une histoire en deux épisodes.

COCO VOLE (1)

Le boulevard était notre terrain vague, notre HIMALAYA, notre jungle. Il devenait la scène, le théâtre d'aventures inimaginables et périlleuses.

Nous cherchions le danger, nous courions des risques ; mais tout juste ce qu'il fallait pour que le coeur palpite sans décrocher. Une prudence de navigateurs grecs qui partent à l'aventure sur leurs frêles esquifs...sans jamais quitter les côtes de vue.

Par exemple, nous faisions de l'alpinisme, un alpinisme qui se rapprochait de l'escalade que pratiquait déjà notre compatriote REBUFFAT dans les calanques de Sormiou, de Morgiou et bien d'autres encore, avec la mer en moins et sans corde ni mousqueton puisqu'il s'agissait simplement d'aller du n° 85 au n° 97 du boulevard sans jamais mettre le pied par terre.
Pour cela, nous utilisions racle-pieds, devant de portes et grilles de fer protégeant les fenêtres du rez-de-chaussée. Passer d'une fenêtre à une marche d'entrée posait quelquefois de tels problèmes que nous avions décrété que les plaques de fonte cachant le débouché de la chute des gouttières seraient refuges, lieux de pose du pied. Tout le reste brûlait ; c'était ce qui me fait penser aujourd'hui que nous étions en avance sur Haroun TAZIEF et ses disciples qui promènent à l'intérieur des cratères. Notre démarche était identique, notre propos similaire. Seul l'objet d'étude changeait. Pour nous, il ne s'agissait pas, comme pour le savant, de connaître le monde. Il était question d'arriver à une plus grande maîtrise de soi, d'améliorer l'être en le plaçant volontairement dans une situation-problème dont les contingences avaient été définies, amendées par le clan. Respecter les règles tout en s'affranchissant des difficultés que l'on s'était donné devenait notre objet d'étude. Une éducation empirique et naturelle pour enfants citadins et libres.

Il nous arrivait à la belle saison de tomber nez à nez, dans nos excursions, avec des spectacles de toutes sortes. Combien d'intérieurs calmes, rafraîchis par des courants d'air que déclenchaient les vitres grandes ouvertes, combien de sommes réparateurs ou de lectures captivantes n'avons-nous pas pénétrés ? En arrivant par la force des poignets à la hauteur du plateau des fenêtres ouvertes, on enfonçait son regard jusqu'à des mystères sombres et ombreux qu'entrecoupaient les lames de lumières qui venaient de l'autre face de la maison, celle où le soleil dardait à travers les persiennes ajourées. Coquins, nous espérions toujours quelque belle marseillaise en combinaison, car c'était la tenue d'intérieur des dames aux heures chaudes en ce temps-là. Le valisère et la soie pouvaient nous faire oublier nos préoccupations d'alpinistes. Je me demande maintenant si les grands de la bande n'avaient pas inventé ce jeu pour se donner l'occasion de surprendre des nudités et des corps en sous-vêtements.

En fait, ce qui me fait parler de l'alpinisme boulevardier n'a rien à voir avec l'érotisme. La raison de cet épisode on la doit à un perroquet. Il y en avait un, avec sa chaîne de fer accrochée aux grilles de protection de la fenêtre d'un rez-de-chaussée surélevé. Cette fenêtre se trouvait sur notre itinéraire habituel, entre l'endroit où il fallait passer grâce à la franchise que nous nous étions donné de pouvoir poser le pied sur certaines plaques de fonte et le grand perron des SOLOR où l'on reprenait ses forces. Evidemment, l'animal n'était attaché là que l'été et avant que le soleil tournant vienne frapper cette façade.

                                        ... (à suivre)...

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