Moi aussi je sais lire.
Je lis dans les gestes, les propos que l'on me tient, la façon que l'on a de me
parler. Je lis aussi bien dans les rictus que dans les sourires glacés, dans
les attitudes que dans le port de tête, l'inclinaison du regard, la pression
des lèvres ou les moues méprisantes. Je lis en toi comme dans un livre ouvert
et j'ai su quand tes yeux me revenaient avec ces plis que l'on doit à
l'explosion du plaisir.
J'entends aussi, tiens!
J'entends ton être qui joue à éloigner le mien et le ton de ta voix qui me
cingle. J'entends ton pas marteler le sol alors qu'il pourrait glisser et être
prémices à un bras de toi passé tendrement et par surprise autour de mon cou
pour l'enlacer et le faire frémir d'émoi.
Je sais lire dans ta
vie comme tu la mènes aujourd'hui, en faisant croire que tu n'as aucun dépit,
aucun regret, plus aucune espérance ; que tu t'accommodes de ce que je ne
saches pas lire les romans, de ce que je devienne vieux.
Je sais lire lorsque tu
veux par quelques mots te dispenser d'un discours explicatif et détaillé qui
m'anéantit de non-dits que je perçois pourtant. Car, je sais lire, j'entends et
je vois. Mais je ne sais plus fuir ; je reste prisonnier de souvenirs qui font
mon aujourd'hui. J'ai baissé ma garde, je ne veux plus combattre.
La fin de la vie
doit-elle être le temps de l'anéantissement? Faut-il, tout à coup, mesurer
l'inanité de l'existence en un instant? Si encore on mourrait ébloui par cette
vérité subite!
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