Deux roses dans un vase, un vase à section
carrée, long comme un cou de danseuse étirée sur ses pointes. J'en ai toujours
une au moins, là, au coin de l'évier en inox qui réchauffe la froideur du métal.
L'une se fanait, l'autre la regardait périr peu
à peu.
Pour sauver cette fleur attendrissante avec son
air penché, je me suis dit qu'il fallait, très vite avant qu'elle jaunisse,
épiler ses pétales, les coucher sur du papier absorbant et les presser sous de
gros livres. Stupeur! En manipulant la fleur, j'eus comme l'impression
délicieuse de froisser un tissu de soie, un tissu intime au milieu duquel
j'aurais cherché un chemin de mes doigts.
Un trouble me prit bien que je parvienne à mes
fins : dénuder la rose. Ainsi démantelé, ce qui était un objet de fièvre ne fut
plus qu'un matériau presque banal. En effet, je fais sécher des pétales de
roses dont je recouvre ensuite la vitre de mon scanner. J'obtiens ainsi des
fonds secrets pour mes délires. Car je dessine à l'encre de chine sur divers
tirages que je renouvelle en déplaçant les pétales, en changeant de type de
roses. J'ai un faible pour la Sweetness. D'un blanc pâle, ses pétales sont
tâchés irrégulièrement de sang, comme si la rose s'était approchée de trop près
d'une lame effilée.
Mon trait devient aventure, les méandres du
dessin que m'offrent les pétales couchés ôtent de mon esprit toute idée précise
et je me perds parfois. Je n’ai jamais été trop adroit pour atteindre la grotte
embaumée où glisser mes ardeurs. Quel délice d'ailleurs de se laisser guider
par une main amie!
Mais aujourd'hui, loin de ces réalités passées,
je vais rester longtemps frissonnant de ce touché humide de pétales cueillis à
la gorge même d'une rose au contact de soie.
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