Cet été-là, en juillet/août 2008, je
n’étais pas parti en vacances en Corse avec ma famille. Je devais monter la
garde chez nous pendant que d’énormes travaux étaient effectués pour renforcer
les fondations de notre maison.
Un soir de blues, j’écrivis à ma petite
fille Agathe, partie en Corse avec toute la smala dans la maison familiale de
sa grand-mère.
« Chère
Agathe,
Sache
que chaque fois que je passe près de la cabane, je repense à toi qui as si bien
agencé ce coin charmant. Il faudra repasser l’inscription que tu as tracée au
pyrograveur afin que l’on ne puisse douter en aucune façon que ce refuge
appartient à deux p’tits renardeaux, ton cousin Nicolas et toi.
Avec
Mamie, chaque fois que nous nous y trouvons, nous évoquons vos jeux en ce lieu.
Nous le voudrions agréable et beau, fait de nos mains, comme l’est la cabane,
elle-même fruit de nos efforts. Nous imaginons l’enrichir d’une barrière, d’un
abricotier que nous planterions pas loin. Des iris, je vais en mettre en place
ces jours-ci. Mais quelques touffes de lavande conviendraient parfaitement
aussi.
J’ai
presque terminé d’aménager le petit coin sous le chêne où nous avions pris le
repas de midi avec toi, Nicolas, Mamie et moi, ce jour de printemps où il
faisait si beau ! Tu te souviens ? J’ai fait en sorte que le sol soit
bien plat, puis je l’ai recouvert de cailloux afin que nos pieds ne soient ni
dans la poussière, ni dans la boue. Ces cailloux assureront un bon drainage. Où
les ai-je trouvés ? Tout autour de la cabane d’abord ; ce qui ajoute
de la propreté que je n’ai pas manqué de réaliser, notamment en coupant ces
grandes herbes folles dont vous décriez l’inélégance avec juste raison. Puis,
manquant de pierres, je suis allé en quérir sur un tas où j’accumule celles que
je ramasse un peu partout dans le terrain ou lorsque je tamise du compost. Et
bien qu’elle ne fut pas ma surprise hier, lorsque je chargeais ma brouette de
ces pierres ? Au milieu de ces éclats de minéral j’ai trouvé une trace de
vie : un fossile d’huître qui date de l’époque secondaire, lorsque la mer
recouvrait notre région, bien avant l’apparition des Alpes. La coquille n’est
pas complète, la partie supérieure a disparu. Mais la concavité dans laquelle
vivait l’animal est conservée. C’est la deuxième que je trouve dans le terrain
de Dieye. Le volume de cet objet –(oui, l’animal n’est plus aujourd’hui qu’un
objet !)- est magnifiquement dessiné, avec beaucoup d’équilibre et de
pureté. Très compact, très classique, avec des stries et des reliefs
harmonieux. Lorsqu’on le soupèse, il pèse légèrement plus qu’un œuf. Il épouse
le creux de la paume de la main comme s’il se lovait dans cette niche afin que
l’homme le protège encore et lui manifeste son respect d’avoir su venir de si
loin depuis tant de temps.
J’ai
connu aussi hier un autre émerveillement. J’allais vers le fond du terrain, là
où j’ai mon composte. J’avais dû débarrasser les petites caves de tous les
outils de jardin, brouettes et autres ustensiles de manière à les soustraire à
la fureur de la poussière que déclenchent les foreuses des ouvriers. J’avais
retourné la charrette verte en plastique pour éviter qu’elle ne s’emplisse
d’eau en cas de pluie. Malgré tout, lors du dernier orage, de l’eau était
restée dans une partie creuse de l’engin. Et devine qui était venu y
boire ? Une jeune merlette, depuis peu sortie du nid et pas tout à fait
autonome encore. Je l’ai effrayée en m’approchant. Elle s’est refugiée dans
l’ombre et le treillis de la haie.
Tiens !
me dis-je. Une assoiffée ! Je vaquais à mes affaires.
Cependant,
cette rencontre me fit réfléchir : à part les jours d’orage, où les
merlettes vont-elles satisfaire leurs besoins d’eau ? J’ai donc imaginé
d’en donner plus à l’animal que ces quelques gouttelettes restées prisonnières
d’un recoin de la structure de la charrette verte.
Des
dessous de pots traînaient par là, à découvert, loin de la haie protectrice.
Ils contenaient de l’eau en plus grande quantité. Je les ai rapprochés de la
haie et, lors d’un nouveau passage, j’ai surpris ma merlette s’y baigner, sans
s’effaroucher du tout, restant même en place comme si elle m’invitait à la
rejoindre.
J’ai
repensé à vous, à toi, à Nicolas, vous que cette année je ne verrai pas grandir
pendant tous ces jours de grandes vacances. Mais me voici rempli d’amour pour
vous grâce à cette merlette. Demain je vais garnir d’eau fraîche et renouvelée
ces dessous de pots comme je t’écris aujourd’hui pour que ne se scinde pas la
chaîne qui nous lie.
Ton
Papi qui embrasse sa grande Agathe chérie,
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