M. Aeckert, chef de l'établissement où je me trouvais faire mes études, m'avait convoqué à son bureau. Bon élève, j'étais passé inaperçu dans les petites classes et pendant les premières années de ma scolarité.
M. Aeckert ne se préoccupait d'ailleurs pas des cas individuels. L'élève ne l'intéressait pas ; seul son établissement comptait. Les tournées qu'il effectuait dans la cour de récréation après que la sonnerie eut retenti n'avaient pour autre objectif que la bonne marche de l'école et non le rappel à l'ordre qui aurait pu s'adresser à tel ou tel autre élève traînant à entrer en classe ou à rejoindre les rangs ; cela aurait signifié que ce tel ou tel autre élève devenait un individu, trouvait une personnalité à travers la remontrance du directeur. Aussi se dispensait-il de toute remarque individuelle. Il utilisait des fragments de langage très généraux qu'il lançait à l'encan et que des surveillants, gardiens de l'ordre anonyme de la maison, reprenaient en écho.
M. Aeckert était un tout petit homme sec, maigrelet même. Son costume trois pièces de chef d'établissement était irrémédiablement identique de saison en saison, d'année scolaire en année scolaire. D'origine modeste, il n'avait pas de chic ; que de l'énergie, une énergie démesurée comme en ont souvent les hommes de petite taille.
Pas d'élégance donc, mais une allure! Celle de la fourmi zélée voulant à tout prix battre toutes les autres fourmis zélées dans la marche en doubles files se croisant et dirigées, l'une vers l'aubaine du grain qui risque de disparaître d'un instant à l'autre, la deuxième focalisée sur le secret de la réserve qu'il faut se hâter de constituer, l'hiver survenant souvent on ne sait d'où.
Très compétent dans sa discipline, celle qu'il enseignait avant d'être chef d'établissement, il croyait être le seul à pouvoir en parler. Il ne l'exerçait plus directement puisque chargé de tâches administratives il n'avait plus à enseigner, excepté lorsque l'absence d'un professeur de sa spécialité lui donner l'occasion de se remettre au tableau noir.
Cependant, comme d'autres prient afin que leur bateau arrive à bon port, ce capitaine-là résolvait des équations et dessinait d'étranges épures sur ses buvards de rond de cuir : ce n'étaient que comportements magiques tendant à éloigner de son collège les mauvais sorts qui sont jetés quelquefois à de telles institutions par des consommateurs malveillants non satisfaits des résultats de leurs enfants. Dans le secret de son bureau, les tables tournaient.
Et c’était dans cet antre que je devais pénétrer maintenant.
(à suivre)
samedi 14 avril 2012
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Très intéressant!!! J'attends la suite mais tu peux prendre ton temps. Je n'ai pas ton talent Georges, et j'aimerais publier un billet sur Merlin et le retour de Thomas...
RépondreSupprimerBisous tout doux,
Sue
Oui, fais-nous un billet pour Merlin et Thomas. Thomas, je le connais séjà. C'est un Hockeyeur.
RépondreSupprimerMais Merlin?
Vas-y, je t'encourage, Grimi!